lundi 17 mars 2014

Pour renouer avec ma part sauvage


Avec Annie Dillard et Aldo Leopold, je sais que la nature n’est pas quelque chose qui vit en dehors de la ville, un endroit qu’il faudrait aller rejoindre en voiture, en train ou en avion. Elle est partout autour de nous – et nous en faisons partie.

En regardant cette ramille, je m'imagine m'endormir dans la neige poudreuse,
moelleuse comme un duvet d'oie. 

Chaque fois que nous sortons pour aller travailler, faire quelques courses, ou même déposer les poubelles sur le trottoir, la nature nous enveloppe, et nous appelle (car nous ne sommes pas vraiment là si nous sommes perdus dans nos pensées). C'est toi, ami humain ?

Un soir de juillet, au bout de la galerie : jeu de montagnes mousseuses.

Le soleil qui joue avec les nuages, les sourires croissants et décroissants de la lune, les quelques étoiles dont la brillance surpasse celle de l’éclairage urbain, les moineaux qui s'exclament en choeur, et les étourneaux affairés : nous sommes tous de la même famille.

Lorsque nous reprenons contact avec le monde vivant, même pendant quelques minutes, ces moments nous ancrent dans notre journée. Nous sommes à la fois plus vastes et plus stables, et nous respirons plus profondément. (J’aimerais m’en souvenir plus souvent !)

Derrière chez moi, un matin de février.

C'était magique.

Malgré tout, la réception du signal (dirons-nous) est meilleure lorsque ce message n’est pas trop concurrencé par le bruit des voitures, les odeurs d’essence, la lumière artificielle et compagnie.

À Montréal, mon endroit favori pour renouer avec ma part sauvage est le Mont-Royal. J'ai beaucoup de chance qu'il y ait une colline (avec deux sommets) au cœur de notre île, entre le fleuve Saint-Laurent et la Rivière des Prairies.

Les collines sont dans l'intimité des dieux, Giono le savait bien : un flanc pour le soleil du matin, quelques arbres pour tempérer la lumière zénitale, et toute la tendresse de la fin d'après-midi jouant avec les herbes et le ciel. 

Mes parents sont venus me rendre visite cet automne : je les ai invités sur ma colline. Ici, mon papa.

Avec ma belle amie Solenne, le 1er janvier 2014, au départ du chemin Olmsted.
Il fait - 26 C, mais quel plaisir d'être là  :o)

Sur un côté du Mont-Royal se déploie un beau parc forestier où l’on peut marcher, skier et faire de la raquette, puis admirer la ville et le fleuve depuis un large belvédère. Cette vue me ramène invariablement à l’époque où les Iroquoiens vivaient ici, et venaient depuis ces hauteurs observer les alentours, encore entièrement boisés. Ces premiers habitants (et leur environnement) sont beaucoup plus réels pour moi que le paysage actuel...


Au pied du Mont-Royal.
Cette lumière de midi est étrangement grisante et pleine de promesses.

De l’autre côté de la colline se trouve un cimetière.

Ici, chaque arbre peut rayonner individuellement à nos yeux humains ; les stèles vous parlent d’existences passées d’une façon à la fois allusive et personnelle, et confèrent à l’atmosphère une dimension contemplative.


Le voici en hiver : couvert de neige


... et de glace.

Car si le cimetière accueille chaleureusement les promeneurs, ce n’est pas un lieu récréatif : c’est un endroit où il fait bon être, simplement. Alors j’y vais souvent, surtout l’été - je marche doucement, je m’arrête souvent, j’ai une écoute à la fois intuitive et attentive; je m’allonge sur l’herbe dans mes coins préférés.


Et je dessine.

Parfois, je dessine des fougères  :o)

En hiver, beaucoup de traces intéressantes – renard, raton laveur, écureuil, oiseau – s’égrènent sur la neige. Elles vous racontent un tas d’histoires, si vous les suivez (ce qui n’est pas toujours facile sans raquettes dans la neige profonde, durcie par endroits, poudreuse ailleurs).


Ici, un raton laveur. À gauche, les deux empreintes sont bien distinctes :
la patte arrière, plus large, et la patte avant légèrement superposée.

Je ne marche jamais directement sur les empreintes, ni entre elles, afin de ne pas envahir l’espace de l’animal sauvage – une fois que je l’ai identifié, je m’écarte de sa piste et j’avance dans la même direction, en me rapprochant si nécessaire à l’occasion. Sans oublier de regarder autour de moi, au cas où d’autres traces coupent cette piste.


Notre raton s'est promené dans la neige molle, en prenant son temps.

J’aime imaginer leurs allées et venues entre les arbres et les stèles, semblables à celles que j’ai observées à plusieurs reprises au cours de mes rêveries estivales, les fins d’après-midi.


Là, c'est un renard... 

 
Comme le montre le X bien net au coeur des empreintes,
qui les distingue de celles du chien.


En primeur : une illustration que j'ai réalisée dans le cadre d'un album
dont je vous parlerai une autre fois.

Finalement, je retourne sur mes chemins humains (je commence à avoir froid aux pieds), et je savoure simplement la mélodie hivernale de la lumière sur la neige et la glace, pendant que le soleil réchauffe mon visage et mon manteau. 

Bonjour, petite Humaine. C’est bien que tu sois là. 


Croyez-le ou non, je porte ici trois paires de collants en laine et coton.
Jupe : faite à Montréal, avec des pulls recyclés.
Bottes : Ecco, chaudes, résistantes à la neige, et très légères.



En descendant de la montagne : on patine sur les trottoirs de la Côte du Vésinet.
Au fond, l'église Saint-Michel.

Attendez-vous à d'autres articles sur le sujet, quand reviendront les beaux jours. Vous saurez même comment distinguer les crottes du raton laveur de celles du renard, photos à l'appui  :o)

Pour d'autres photos de ma colline (et des empreintes), voir aussi la version anglaise



2 commentaires:

  1. Je reviens sans cesse vers le bas de ce post pour me laisser happer par le regard de ce renard...

    Il dégage une telle sérénité.

    Et les teintes de bleu - pourtant une couleur froide - renforcent ce sentiment d'apaisement.

    D'ailleurs en écrivant ces lignes je me rends compte que je respire plus doucement...

    Le pouvoir de la suggestion animale-picturale !

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    1. Le vrai Renard me fait un effet similaire... Il a une présence concentrée, mais tranquille. Il se révèle à nous seulement s'il en a envie. Parfois cependant, on le voit avant qu'il nous ait vus : s'il est en train de jouer ou de chasser, et qu'on est soi-même discret, sans pour autant être aux aguets (sinon il nous entend penser ;o)

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