samedi 29 mars 2014

Intermède félin

Après quelques hésitations, j'ai décidé de partager avec vous quelque chose de relativement intime et de fort en même temps, une découverte récente qui a éclairé toute ma façon de percevoir et de comprendre le monde.

Alors j'organise mes idées et je choisis mes mots, pour vous l'expliquer le mieux possible, tout en écoutant Glenn Gould interpréter les Variations Goldberg  :o)

Le résultat sera à découvrir dans mon prochain billet...

Voici un intermède félin pour vous faire patienter.

:o)


Lola aime beaucoup mon Aspidistra. 


Et les siestes hivernales sur le lit


ou dans la cuisine.


Au réveil, il y a de la fébrilité dans l'air (non Lola, on ne griffe pas sa chaise)...


C'est le moment de tenter une sortie.


Évidemment, il faut inspecter les environs


avant d'aller voir ce qui se passe en bas.

Pendant qu'Emmanuelle dessine  :o)


Allez, une autre petite série.


vendredi 28 mars 2014

Feline Interlude

After some inner debate, I have decided to share with you something rather intimate and powerful at the same time (at least for me), a kind of discovery that recently shed light on my whole way to perceive and understand the world.

I am carefully sorting out my thoughts in an effort to write it down as clearly as possible, while listening to Glenn Gould's Goldberg Variations  :o)

Meanwhile, Ladies and Gents, here is a feline interlude.


Lola's drawing-table, vaguely absent self.
"Must you really take another picture?"

Summer version of the same.

What? Are we not playing anymore?
(Lola in her overalls)

Considering the snow-filled garden below.

It's still a bit fresh down there.





Dreaming of tame Sparrows. Won't you come a little closer, dear?
***

And here is Tiurei, my brother's cat, born in Tahiti and now living in a small French village.
He is Lola's opposite : thin, tall and long-limbed.

I guess I should publish a French version of this announcement, with more feline pictures, right?

Right. Coming soon.

And here it is...


lundi 17 mars 2014

Pour renouer avec ma part sauvage


Avec Annie Dillard et Aldo Leopold, je sais que la nature n’est pas quelque chose qui vit en dehors de la ville, un endroit qu’il faudrait aller rejoindre en voiture, en train ou en avion. Elle est partout autour de nous – et nous en faisons partie.

En regardant cette ramille, je m'imagine m'endormir dans la neige poudreuse,
moelleuse comme un duvet d'oie. 

Chaque fois que nous sortons pour aller travailler, faire quelques courses, ou même déposer les poubelles sur le trottoir, la nature nous enveloppe, et nous appelle (car nous ne sommes pas vraiment là si nous sommes perdus dans nos pensées). C'est toi, ami humain ?

Un soir de juillet, au bout de la galerie : jeu de montagnes mousseuses.

Le soleil qui joue avec les nuages, les sourires croissants et décroissants de la lune, les quelques étoiles dont la brillance surpasse celle de l’éclairage urbain, les moineaux qui s'exclament en choeur, et les étourneaux affairés : nous sommes tous de la même famille.

Lorsque nous reprenons contact avec le monde vivant, même pendant quelques minutes, ces moments nous ancrent dans notre journée. Nous sommes à la fois plus vastes et plus stables, et nous respirons plus profondément. (J’aimerais m’en souvenir plus souvent !)

Derrière chez moi, un matin de février.

C'était magique.

Malgré tout, la réception du signal (dirons-nous) est meilleure lorsque ce message n’est pas trop concurrencé par le bruit des voitures, les odeurs d’essence, la lumière artificielle et compagnie.

À Montréal, mon endroit favori pour renouer avec ma part sauvage est le Mont-Royal. J'ai beaucoup de chance qu'il y ait une colline (avec deux sommets) au cœur de notre île, entre le fleuve Saint-Laurent et la Rivière des Prairies.

Les collines sont dans l'intimité des dieux, Giono le savait bien : un flanc pour le soleil du matin, quelques arbres pour tempérer la lumière zénitale, et toute la tendresse de la fin d'après-midi jouant avec les herbes et le ciel. 

Mes parents sont venus me rendre visite cet automne : je les ai invités sur ma colline. Ici, mon papa.

Avec ma belle amie Solenne, le 1er janvier 2014, au départ du chemin Olmsted.
Il fait - 26 C, mais quel plaisir d'être là  :o)

Sur un côté du Mont-Royal se déploie un beau parc forestier où l’on peut marcher, skier et faire de la raquette, puis admirer la ville et le fleuve depuis un large belvédère. Cette vue me ramène invariablement à l’époque où les Iroquoiens vivaient ici, et venaient depuis ces hauteurs observer les alentours, encore entièrement boisés. Ces premiers habitants (et leur environnement) sont beaucoup plus réels pour moi que le paysage actuel...


Au pied du Mont-Royal.
Cette lumière de midi est étrangement grisante et pleine de promesses.

De l’autre côté de la colline se trouve un cimetière.

Ici, chaque arbre peut rayonner individuellement à nos yeux humains ; les stèles vous parlent d’existences passées d’une façon à la fois allusive et personnelle, et confèrent à l’atmosphère une dimension contemplative.


Le voici en hiver : couvert de neige


... et de glace.

Car si le cimetière accueille chaleureusement les promeneurs, ce n’est pas un lieu récréatif : c’est un endroit où il fait bon être, simplement. Alors j’y vais souvent, surtout l’été - je marche doucement, je m’arrête souvent, j’ai une écoute à la fois intuitive et attentive; je m’allonge sur l’herbe dans mes coins préférés.


Et je dessine.

Parfois, je dessine des fougères  :o)

En hiver, beaucoup de traces intéressantes – renard, raton laveur, écureuil, oiseau – s’égrènent sur la neige. Elles vous racontent un tas d’histoires, si vous les suivez (ce qui n’est pas toujours facile sans raquettes dans la neige profonde, durcie par endroits, poudreuse ailleurs).


Ici, un raton laveur. À gauche, les deux empreintes sont bien distinctes :
la patte arrière, plus large, et la patte avant légèrement superposée.

Je ne marche jamais directement sur les empreintes, ni entre elles, afin de ne pas envahir l’espace de l’animal sauvage – une fois que je l’ai identifié, je m’écarte de sa piste et j’avance dans la même direction, en me rapprochant si nécessaire à l’occasion. Sans oublier de regarder autour de moi, au cas où d’autres traces coupent cette piste.


Notre raton s'est promené dans la neige molle, en prenant son temps.

J’aime imaginer leurs allées et venues entre les arbres et les stèles, semblables à celles que j’ai observées à plusieurs reprises au cours de mes rêveries estivales, les fins d’après-midi.


Là, c'est un renard... 

 
Comme le montre le X bien net au coeur des empreintes,
qui les distingue de celles du chien.


En primeur : une illustration que j'ai réalisée dans le cadre d'un album
dont je vous parlerai une autre fois.

Finalement, je retourne sur mes chemins humains (je commence à avoir froid aux pieds), et je savoure simplement la mélodie hivernale de la lumière sur la neige et la glace, pendant que le soleil réchauffe mon visage et mon manteau. 

Bonjour, petite Humaine. C’est bien que tu sois là. 


Croyez-le ou non, je porte ici trois paires de collants en laine et coton.
Jupe : faite à Montréal, avec des pulls recyclés.
Bottes : Ecco, chaudes, résistantes à la neige, et très légères.



En descendant de la montagne : on patine sur les trottoirs de la Côte du Vésinet.
Au fond, l'église Saint-Michel.

Attendez-vous à d'autres articles sur le sujet, quand reviendront les beaux jours. Vous saurez même comment distinguer les crottes du raton laveur de celles du renard, photos à l'appui  :o)

Pour d'autres photos de ma colline (et des empreintes), voir aussi la version anglaise



mardi 11 mars 2014

A Walk On The Wild Side


Just like Lyanda Lynn Haupt, I believe Nature is not something that lives outside of the city, let alone a place to be reached by car, train or plane. It is all around us – and we are part of it. 

Every time you go out to work, fetch a few groceries, or even when you put the garbage bag on the sidewalk, Nature is enveloping you, and calling you at the same time (because you are not truly "there" if you are dwelling in your thoughts instead). Hello? Little Human? 


Circle of old Cottonwoods keeping a gentle guard on the baseball players, in Parc Lafontaine.

Sunlight playing with the clouds, the moon in its growing and decreasing smiling shapes, the few stars whose brightness surpasses urban lighting, the busy sparrows and starlings – they are your family, your people.

Every time you connect with them, even for a few real minutes, they carry you further and deeper into your day. They ground you. You feel less overwhelmed, you breathe more deeply. (I need to remind this to myself so often!)


Crabapple leaves: everyday gifts in September, when I come home.


However, the "signal" is definitely better when we find ourselves in a place where these natural influences are not too much counterbalanced by car noises and fumes, artificial light and so on.

In Montréal, my favourite place to reclaim my wild side is on the Mont-Royal. Hills bring us closer to the sky in a gentle and intimate way, and I am very grateful there is one (two, in fact) in the heart of our island.


Chemin Olmsted on January 1st, 2013.
On the right: cross-country ski tracks. On the left: happy joggers. Temperature: - 20 F

On one side of this hill is a fine forested park where you can walk, ski or snowshoe around, or admire the city (and river) from a belvedere. This makes me invariably aware of the era when the Iroquoians lived there and stood on this very spot... They are somehow much more real to me that the current scenery.


Montréal in 1902, seen from the Mont-Royal (Wiki Commons)

On the other side of the hill is a cemetery. 

Here, each tree can shine individually to our human eyes; the steles tell you about past existences in an allusive, yet personal way, and maintain a kind of sacred atmosphere. 


My secret garden.

The cemetery is not, of course, a recreational area. It's a place to simply be. So I do spend a lot of time there in the summer, walking quietly, stopping often, listening both intuitively and intently, lying on the grass of my favourite spots. 


And drawing.

In the winter, you come across a lot of interesting tracks - fox, raccoon, squirrel - spread on the white canvas. They tell you many stories, if you follow them (which is not easy in such a deep snow, without snowshoes).


Here the prints from the hind feet of the Raccoon are more apparent.


I never walk directly on prints or even between them, so as not to invade the wild creature's space – once I have identified the animal or bird, I simply walk in the same general direction, weaving a loose, festooned pattern with the animal's path. (Just like other animals do.) And I look around for more tracks crossing this one. 


I could not help smiling at the sight of this.

Surprise! There are several. Another Raccoon (did they meet? Apparently). And Squirrels.


There was even some frolicking going on.

I like to imagine their respective amblings between the trees and steles, quite similar to what I’ve witnessed on several occasions during my summer reveries in the late afternoon.


Once I saw three young Raccoons and their mother getting out of this enormous, ancient Silver Maple.
(In the curve of which grows a young Ostrya Virginiana - American Hophornbeam.)
The kids had a lot of fun, and so did I.

After a while I return to my human perspective and path (my feet are getting cold), and simply enjoy the light and the sky playing their winter melodies on the snow, the sun warming my face and coat. 

Hello, little Human. Glad to reconnect.


Believe it or not, I am wearing three pairs of cotton/wool thighs here.
Skirt: made in Montreal from recycled sweaters. 

Boots: Ecco (warm and waterproof, very light)


To be more in tune with Nature AND with yourself, I highly recommend these books by Paul Rezendes: The Wild Within / Tracking and the Art of Seeing. 

The French version of this post features another nice selection of pictures, including Fox prints :o)

And you can expect more posts on this topic when summer comes. I hope none of you is put off by Raccoon droppings.


lundi 10 mars 2014

Winter Teaser

Stay tuned my friends, a post is coming tonight (although bronchitis is slowing down the writing and editing process :o) - featuring mysterious tracks in the snow. And nice red winter boots.



samedi 1 mars 2014

Au pays de Lórien


(Non, ce n'est pas une impression... la version française est plus étoffée que la version anglaise (ci-dessous). Même au coeur de l'hiver, les bourgeons grandissent imperceptiblement : en quelques jours, ils ont pris un peu plus de place dans l'espace :o)

L’un de mes aspects préférés de Montréal (parallèlement à sa personnalité très accueillante), c’est que chacune de ses quatre saisons nous fait voyager : de la Suède au Brésil, en passant par la forêt enchantée de la Terre du Milieu... Les sensations, la lumière, l'air vivifiant ou nonchalant, tout nous emmène ailleurs.

L'église Saint-Michel dans le Mile-End, rue Saint-Viateur au coin de Saint-Laurent.
On dirait une mosquée... Elle soulève tout le quartier sans effort, comme une montgolfière.

Le printemps, par exemple, nous rend brièvement visite pendant les deux premières semaines de mai – jusqu’à la fin avril les arbres sont encore sans une feuille – et il est ensorcelant. Rien de comparable à ce que j’ai pu vivre en Europe, où pourtant j’attendais avec impatience l’arrivée des hirondelles, joyeuses annonciatrices du premier vent tiède de mai.

Ce sorbier candide (Sorbus Aucuparia) me fait penser aux tableaux du Douanier Rousseau.

Car ici, le printemps vous transporte dans une sorte de Lórien dont les érables sont les rois. En quelques jours, leurs myriades de fleurs envahissent les rues d’un merveilleux jaune-vert qui, d’après Walter Benjamin, serait la couleur même de la joie enfantine. (Si je retrouve la référence, je vous la donne :o)

Impossible de parcourir les rues sans se sentir grisé et bercé à la fois.

Les étés montréalais sont tropicaux à plus d’un titre, notamment l’atmosphère très détendue, et le fait que souvent, même un simple drap vous tient trop chaud pour dormir, malgré les fenêtres grandes ouvertes (rajoutons les noctambules qui, aux petites heures de la nuit, remontent parfois ma rue tranquille, discutant à haute et plus très intelligible voix de leurs préoccupations du moment).

Sur la galerie : mon amie Caro, lors d'un petit séjour chez moi. (I miss your sweet smile, dear Caro.)

Puis, dès la mi-septembre en général, l’automne donne à l’air et à la lumière une pureté toute montagnarde : les après-midis tièdes et dorés alternent avec des nuits claires et fraîches.

Mi-septembre : les pommetiers sont remplis de pommettes mûres.

En hiver, c’est un peu la Scandinavie ici (tout le monde fait de la luge, du ski de fond, du patin à glace ou de la raquette, même au cœur de la ville), sauf que nous bénéficions d’autant d’heures de jour que les habitants de Bordeaux, en France, puisque nous sommes à la même latitude.

C'est très appréciable, surtout quand le ciel est d’un bleu profond, et quand la température descend régulièrement à - 22 Celsius plusieurs jours d’affilée, ce qui correspond souvent, avec le vent, à une température ressentie de - 28 C.

Mi-décembre: le parc Jeanne-Mance au crépuscule (16h).
J'aime beaucoup cette petite colline, en toutes saisons.

Les pays scandinaves m’attirent depuis l’époque où j’avais une douzaine d’années, et où je découvrais (entre autres) l'univers de Moumine. Les hivers tout blancs et silencieux, les étés où la lumière s’étire jusqu’à la nuit, les aurores boréales, l’esprit d’entraide et de respect mutuels, mais aussi la musique des langues scandinaves, parlent encore à mon âme nomade.

Chaque hiver à Montréal, j'ai l’impression de voyager quelque part entre Stockholm et la mer Baltique : je traverse des étendues de neige scintillante pour rejoindre l'épicerie bio, j'entends le trottoir crisser sous mes pas, et je vois des patineurs dans tous les parcs.

Au parc Lafontaine, tout près de chez moi. Le vent était glacé ce jour-là... 
peu de patineurs, mais quelle lumière !

Même chez moi, comme je chauffe très peu (vive les économies !) je superpose les pulls de laine à la mode scandinave, avec chaussettes rayées, mitaines, et bonnet pointu. Non seulement j’ai bien chaud, mais en passant devant le grand miroir de ma chambre, j’aperçois souvent une lutine qui me sourit :o)

Dans un jardin suédois...

J'adore cette petite cape.

Pourtant, quand arrive la mi-février, l’été me manque de façon parfois lancinante, comme un ami que je n’ai pas vu depuis des mois. J’ai besoin d’être câlinée par le vent tiède, j’ai envie d’offrir à sa caresse mes jambes nues et mes épaules, et de retrouver ma liberté à vélo.

Ma rue ce matin : les arbres sont tout givrés.

Mes amis les arbres, dont la couronne est révélée dans tous ses détails sur le ciel hivernal, me manquent aussi, et nos conversations silencieuses et paisibles. Ils sont tout engourdis, à moitié pris dans la glace.


Le vieil homme-bouleau fait un somme : on se croirait encore chez Tolkien.


Pina Bausch réincarnée

Mais la simple vue de ces milliers de bourgeons d’érable, égrenés le long des branches dès le milieu de l’hiver, me fait soupirer de gratitude, et d’un plaisir secret.


Sur le Mont-Royal.

C’est le mois de juin qui m’appelle le plus : il y a dans l’air et dans toutes les choses vivantes une pulsation continue de joie, d’abandon et de confiance; les jours s’étendent jusqu’au cœur des soirs, et les soirs sont si doux qu’ils vous font pleurer.

Mais c’est justement frustrant d’être détournée de ce pur bonheur par d’autres obligations – comme travailler ou dormir – alors que j’aimerais m’immerger dans toute la beauté qui se déploie et ne demande qu’à nous envelopper.

Ce sont des semaines précieuses, au long desquelles il faudrait pouvoir s'abandonner à l'élan fluide et frémissant qui est notre vraie nature.


Les pivoines en sont un exemple rayonnant.

Alors c’est souvent en septembre, finalement, que je me sens la plus créative et la plus équilibrée. Je déborde d’idées et d’énergie. Peut-être parce que c’est le mois où je suis née…

Et vous, chers lecteurs ? Est-ce que les saisons vous influencent beaucoup, d’une manière positive ou négative ? Lesquelles vous rendent heureux, lesquelles vous réussissent le mieux ?


ps - Pour d'autres images, voir aussi la version anglaise, sous le titre Visiting Lórien
(oui, je l'ai changé :o)

ps 2 - Les photos de l'église et du bouleau, carrées et un peu floues sur les bords, ont été prises avec un appareil Holga (argentique moyen format, en plastique... imprévisible mais très léger).