Bien sûr, l'été, il y a tous ces fruits encore chauds de soleil, ces salades généreuses qui invitent au pique-nique, il y a la liberté qu'offrent les vacances, la douceur de l'air et les jours qui s'étirent - pouvoir nager, lire, oublier l'heure…
Mais je m'interrogeais, ces temps-ci : d'où venait au juste ce bonheur grisant qui me gardait parfois éveillée jusque tard dans la nuit?
Car si j'adore faire pousser des choses et cueillir des fruits, je n'ai pas de jardin : ma récolte consiste en une poignée de tomates cerises, du basilic et du romarin. En août, Pierre m'a rejointe à Montréal pour trois semaines merveilleuses, mais je n'ai pas eu du tout de vacances cette année, ni l'occasion de voir ma famille.
(Outre les traductions, j'ai travaillé presque tous les jours au centre de yoga à partir de la mi-juillet - ou plutôt des demi-journées, ce qui me laisse le loisir d'accueillir le matin comme il vient.)
Pourtant, chaque soir de cette fin d'été, en écoutant le choeur paisible et méditatif des criquets, je me sentais débordante de gratitude, presque étourdie par une joie indescriptible qui semblait venir à la fois du chant des criquets, de la nuit étoilée, et de mon coeur frémissant. Une chanson sans paroles, qui rendait les mots inutiles.
Je n'arrivais ni à lire, ni à écrire. Traduire devenait un exercice aléatoire ! Le dessin lui-même se dérobait à moi - je l'attrapais parfois au vol, mais mes facultés et ma concentration n'étaient pas au rendez-vous. Comme si je sentais qu'il était plus important d'être simplement accordée à l'humeur généreuse et sensuelle de la journée, au point qu'elle fasse partie de moi, où que je sois.
En marchant dans la rue, en pédalant pour aller travailler ou en rentrant à la maison, en travaillant au centre de yoga, en parlant avec les gens de sujets concrets ou moins concrets, elle m'accompagnait partout : la joie secrète de l'été.
La lumière transparente qui remplissait le balcon de la chambre à toute heure me renversait.
Je ne sais pas combien de tâches et d'activités sont restées dans les limbes. Mon agenda est presque vide, entre juin et maintenant. J'ai malgré tout réussi à organiser quelques beaux moments avec des amies, et c'était aussi délicieux que ces images le suggèrent…
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Velouté frais de mangue et melon vert. |
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Une excursion à vélo avec Solenne, jusqu'à Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu (100 km aller-retour !) |
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Pique-nique *sushis* avec Anne. |
Tout au fond, je savais que ma principale mission, au cours de cette saison, était de m'abandonner à la texture de chaque moment, un jour après l'autre.
Sans faire de plans.
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29 juin, 5h23. |
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Premier essai : granola maison (sans gluten). |
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Dans les yeux de Lola : l'ambre et le vert mêlés du balcon et du pommetier. |
C'était difficile de faire autrement : elle m'appelait et me faisait signe, elle me prenait par la main, me caressait la joue, et murmurait à mon oreille, taquine.
Pierre fut invité à nous rejoindre, et c'était le même appel subtil et convaincant.
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Ensemble, nous avons pique-niqué dans le cimetière (et d'autres parcs) |
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(ici la *petite robe d'été* que j'ai cherchée longtemps :o) |
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et ici une inflorescence d'Hydrangée. |
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Nous avons laissé la sérénité radieuse de la colline imprégner nos coeurs légers |
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jusqu'à ce que le soleil se couche |
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et que la lune se lève. |
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Et puis nous avons déambulé dans le Mile-End |
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en discutant des vicissitudes de ce monde |
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auxquelles la philosophie épicurienne de Lola |
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est un bon antidote. |
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Alors nous avons partagé un délicieux brunch |
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les portes des balcons largement ouvertes |
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sur la pluie qui chantonnait dehors. |
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Nous avons parcouru en vélo les quartiers de Rosemont et du Plateau |
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et arrosé les plantes sur le balcon bucolique d'une amie |
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en regrettant qu'elle ne soit pas là |
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avec son beau sourire tendre. |
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Nous avons essayé les salades du Moineau Masqué |
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dont la cour tranquille s'abrite sous une voile blanche. |
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Plus loin rue Marie-Anne, nous avons trouvé d'étranges mots |
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traduits du portunol et du guarani |
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et rue Villeneuve, nous avons croisé |
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deux sympathiques |
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paires d'amis. |
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(décidément, j'adore les reflets.) |
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Alors quand Pierre a repris l'avion pour Paris |
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j'ai retrouvé mes crayons |
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et tous les dessins qui attendaient d'être réalisés |
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me faisaient des clins d'oeil comme autant de fleurs discrètes |
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en joyeuse compagnie. |
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À suivre... |
Ainsi, en septembre, lorsque vint mon anniversaire, je me sentais déjà généreusement fêtée...
Comme si l'été avait semé, chaque jour, de petites graines de joie, en m'invitant à récolter et déguster ses fruits.
J'espère que chez vous aussi :o)
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"Le corps humain est un coursier qui réclame pour aller loin et libre, un cavalier léger ; et le plus léger des cavaliers est un coeur réjoui."
(Je tombe à l'instant sur ce passage d'un livre découvert par hasard à la bibliothèque, dans la section 'histoire naturelle', et qui rassemble un choix de textes de John Burroughs :
L'art de voir les choses.)
For the English version (and a few more pictures), read here.