vendredi 30 septembre 2016

Loin des mots

For most of the summer I have been literally lost in translation, which kept my mental processes on a spin: it was very un-grounding. (English summary below :o)


Souvent, je dois oublier les mots et le langage humain, pour mieux me laisser habiter par la texture du monde.

Au lieu de chercher à comprendre ou à décrire l’univers qui m’entoure, je voudrais m’abandonner à ses ondes subtiles et omniprésentes ; être simplement portée par ses courants profonds, sans effort et sans crainte.





Car le monde vivant fait partie de moi comme je fais partie de lui : je suis à ma place lorsque je lui cède la place, lorsque je le laisse s’exprimer à travers moi, lorsque j’entends sa voix résonner à l’intérieur.

Sa voix à la fois multiple et intime, mystérieuse et familière…








Sans cette connexion primordiale – ressentie au présent, à l’écoute de nos sensations – nous ne vivons pas véritablement nos existences, puisque nous restons en surface, isolés.





Remis à l'eau, nous découvrons à quel point il est bon de nager, de fendre l’eau sans effort et sans crainte, puisqu’elle nous porte et fait partie de nous – comme nous le rappelle l'eau vivante de nos lacs, de nos fleuves et rivières, de l'océan.










Remis en terre, nous découvrons que nous avons toujours eu cette capacité à nous enraciner, à nous imprégner des éléments premiers qui deviennent la texture même de nos branches, de nos feuilles, de nos fruits.





Au printemps, lorsque la terre renaît, je retrouve cette connexion énergétique et sensorielle avec une profonde gratitude, une joie frémissante qui me parcourt le corps et l’âme.









Lorsque je marche "au hasard" sur la colline, je bascule ainsi progressivement (parfois en quelques instants) dans un état de présence qui rend les mots caducs, même s’ils dérivent encore comme des bancs de poissons transparents sous la surface de l’eau, avant de disparaître.





Car alors ce sont plutôt les choses vivantes qui me parlent, d’une voix que j’ai connue bien avant le langage phonétique, bien avant la dissociation de l’expérience et du sens, de la perception et de la compréhension.

De nouveau, tout est réuni, tout est là.

Ce que je perçois et ce que je comprends, ce que je ressens et ce que je devine : tout est présent, en même temps, dans la texture du monde vivant.









Les petites créatures me font signe, et je les sens vivre, chacune à leur manière.










Certains deviennent des visiteurs familiers, comme le bourdon qui a élu domicile sur le framboisier naissant de mon jardin secret, ou le scarabée japonais qui aime se poser sur moi.





Il me rappelle un autre scarabée que j'avais réalisé à l'aquarelle et encre de Chine.


Et chaque soir, le chant des criquets tisse de bien-être la trame des heures, qui se fondent les unes aux autres avec bonheur.











Mais cet état d’unité, cet enracinement serein me font souvent défaut en ville (où, à la belle saison, les journées sont plutôt rythmées par les scies électriques et autres engins) et durant les longs mois d’hiver, lorsque le gel engourdit la terre et ses habitants. 

Ou lorsque des semaines de traduction intensive me maintiennent dans une succession de processus mentaux qui me coupent, progressivement, de mes sensations.










Ainsi, lorsque je croise le chemin de Mélody,  qui incarne – dans sa présence même – une connexion profonde, vivante, avec les forces de la nature et des éléments, je comprends avec émotion et gratitude qu’elle me montre la voie.








Je sais que mon apprentissage doit se poursuivre là où il a commencé : dans la forêt.





Je dois d'abord approfondir ce lien sensoriel et intuitif avec le monde vivant, jusqu'à ce qu'il s'imprime véritablement en moi, à sa manière subtile et mystérieuse.






Et puis, chaque jour sur mon balcon (dans la lumière du matin ou l'intimité du soir), je cultive cet enracinement en invoquant la présence particulière d'un arbre qui m’inspire, en retrouvant la vibration d'un lieu qui m'a bercée récemment.








Parfois, les sensations émergent sans même que je les appelle : le vent léger dans les feuilles hautes du chêne, le bruissement ailé d’un groupe de corneilles juste au-dessus de moi...







Ou l'appel feutré de la lune qui se lève, sereine.




Je crée ainsi un petit sentier énergétique entre la colline et moi, que je pourrai retrouver plus facilement de mémoire, parce que je l'aurai parcouru souvent.


Alors, peu à peu, mes racines deviennent à la fois plus profondes et plus subtiles, traversant l'espace et le temps, pour me relier en permanence à cette terre vivante qui s'incarne en nous…





Chaque fois que la porte s’entrouvre, il est bon de s’arrêter pour écouter, même si les messages qui nous parviennent sont formulés dans un langage oublié.





Car leur sens et leur portée résonnent, secrètement et depuis longtemps, en chacun de nous.

:o)



Summer is the one season where I can truly resource myself in Nature, grounding my soul in the present moment through all of my senses. But in the noisy city, or during the long freezing winters, I tend to loose this vital, sensuous connection with the natural world, and therefore my own balance. And yet... with trust and dedication, I know I can dig my roots deeper.